Revue des études latines 86 (2008), pp. 246-7



Nunzio La Fauci & Silvia Pieroni, Morfosintassi latina. Punti di vista (Progetti Linguistici 18): Pise, ETS, 2007, 109 pages.

Cet ouvrage rassemble cinq « points de vue » sur la morphosyntaxe du latin, en autant de chapitres. Les trois premiers, concernant les pronoms, sont de S. Pieroni, tandis que les deux derniers, de « dynamique systématique »‚ ont été écrits par N. La Fauci. Ces essais ne prétendent pas construire une théorie grammaticale, mais se veulent — surtout les premiers — des regards neufs posés sur des questions pendantes, exactement, des « contributi preteorici et preliminari, destinati all'impostazione metodologico-descrittiva di classici problemi di rnorfosintassi latina » (p. 7). L'honnêteté de cet aveu invite donc à aborder ces propositions d'analyse sans égard pour l'éventuel attirail conceptuel dont l'écho serait plus ou moins sous-entendu par les auteurs, d'autant que la position des problèmes, ainsi que les analyses déjà proposées, sont rappelées avec un luxe de références qui explique la solide bibliographie finale (p. 97-108), très à jour. En particulier, les grammairiens d'expression française retrouveront avec plaisir des repères connus, ce qui change d'une recherche anglo-saxonne trop souvent fermé aux travaux rédigés dans notre langue (et il en est d'importants sur les points abordés par les auteurs).

Dans le premier chapitre « Dimostrativi e 'ego' fissile »‚ S.P. aborde le problème de la deixis triple du latin hic, iste, ille pour en déterminer les champs de référence. Des contre-exemples battent en brèche la répartition traditionnelle, à la fois spatiale et personnelle, entre ego, tu et la personne absente. Notre collègue propose subtilement d'introduire une distinction dans le référent d'ego : narratif, « si oppone e alterna con un non-ego narrativo »‚ tandis qu'un ego « corrélatif » implique et échange avec tu. Dès lors, on est invité à analyser iste, et seulement lui, comme le déictique de l'instance corrélative (on songe à la fonction émotive de Jakobson), alors que hic et ille fonctionneraient en opposition, selon que le discours est « egocentrico » ou non. Le second chapitre, tout aussi bref, « Soggetto e riflessivo » (p. 27-39), vise les emplois syntaxiquement non réflexifs de se ou suus, du type rencontré dans par erat alterius ac sui cura (Sénèque, Ep. 90, 40). L'auteur emprunte à Perlmutter des notions de sujets premier, final ou initial pour proposer une explication des possibilités d'emploi variées que connaît le « réfléchi » la répartition morphosyntaxique. Dans « Ipse : interdipendenze sintattiche »‚ S. Pieroni aborde le fonctionnement du pronom qui représente, en latin, de la catégorie des intensificateurs. La référence documentée aux travaux les plus récents (König 2007, Fruyt 2006...) ajoute à l‘intérêt d‘une réflexion dont la conclusion surprenante (« crucialmente diverso da aggettivi e nomi, ipse, legittimando un soggetto, è funzionalmente un verbo senza poterlo essere foneticamente [leggasi : fenomenicamente]») piquera la curiosité.

La seconde partie de l’ouvrage, avec deux contributions de visée plus générale, ressortit davantage à l'héritage théorique de Perlmutter, comme aux propres travaux de l'auteur, bien connus par ailleurs. Sous le titre « Dinamiche sistematiche : scomparsa della declinazione », N. La Fauci analyse le remplacement par l'ordre linéaire roman de la syntaxe casuelle latine. En un survol forcément trop rapide (dix pages !), l'auteur offre des remarques originales et neuves, même si l'on ne peut pas souscrire à une proposition d'explication qui réduit l’érosion phonétique à un enregistrement de l’inutilité des désinences ! Moins vaste quant au sujet, sinon quant au nombre de pages, mais très stimulant est le tableau (« Dinamiche sistematiche : perifrasi perfettive e futuro sintetico ») du développement des formes périphrastiques de nos temps composés, dans le temps où, justement, le futur associant infinitif et habeo tendaient à fusionner. Ce petit ouvrage est plein de sens.


Guillaume Bonnet